Sébastien – Jean-Pierre Spilmont

La fosse aux ours, Broché, Février 2010
Editeur:
" À l’école primaire, quand j’avais sept ans, il m’est arrivé un incident étrange. À la suite d’une insolation, j’ai perdu la mémoire. Je suis resté pendant six mois en état de choc, ne me souvenant plus que d’une grande lumière, puis je suis brusquement redevenu normal. Pendant toute cette période, on m’avait mis dans une section spéciale de mon école, réservée aux élèves déficients mentaux. Nous étions huit, et devions porter un uniforme noir, alors que les élèves normaux étaient habillés en blanc. Quand je me suis comme réveillé, on m’a redonné l’uniforme blanc, et les élèves considérés comme débiles m’ont demandé : "Mais qu’est-ce que tu fais là, habillé en blanc comme tous ces cons ?" " Hugo Pratt, Le Désir d’être inutile. Sébastien portait un uniforme noir.
Avis:
Facilité de lecture: aisé
Très gros coup de cœur! Coup de poing!
Ecriture limpide. C’est un jeune garçon qui parle, qui raconte sa vie. Il est dans un commissariat. Il y a donc un problème. Lequel?
C’est un enfant à part, invisible. Il a des parents commerçants qui ne l’aiment pas. Son seul point d’attache, c’est son grand-père, la seule personne à qui il fait toute confiance, et qui ne le considère pas comme un demeuré. Le grand-père est dans un fauteuil roulant à la suite d’un accident. C’est un ancien combattant de la guerre d’Algérie qui porte fièrement le drapeau le jour des commémorations.
Sébastien est abandonné par ses parents dans une institution pour les « fous ». Il passe tous ses weekends et ses vacances chez ses grand-parents.
On s’aperçoit au fil du récit que cet enfant a un grand sens de la justice. Il est toujours en silence, il semble ne rien voir, mais tout ce qui sonne faux, toute lâcheté, toute injustice le marque et le révolte.
Son grand-père lui propose de l’emmener à la capitale pour retrouver ses copains, anciens de la guerre d’Algérie. Et c’est là que tout bascule.
Le récit assez court est conduit de façon magistrale. C’est un texte d’une grande sensibilité. Mon deuxième énorme coup de cœur du mois après Trèfle bleu.
Voici quelques extraits qui montreront la richesse de l’écriture, la beauté du phrasé:
-« Je crois que c’est au début du mois de mai, cette année-là, que ç’a commencé à mal finir » (p15)
-« Sur la cuisinière,grand-mère avait jeté quelques pelures d’oranges et ça sentait la douceur.
On ne s’était pas encore dit un mot.
On s’était juste fait les gestes importants. » (p44)
-« Vingt ans,c’est jeune pour devenir vieux.
Jusque-là, ils avaient raconté un peu n’importe quoi sur leur vie, leur boulot ou leur famille. Je ne faisais plus trop attention et je regardais le paysage de l’autre côté de la vitre.
Mais là,j’ai pensé qu’ils parlaient vraiment de leur guerre, en gros,comme ça, des souvenirs gris. Très gris. » (p123)
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