Paradis inhabité ****- Ana Maria Matute

Publié par Baba Yaga le

paradisinhabite
Phébus, broché, Janvier 2011,Traduit de l’espagnol par Marie-Odile Fortier-Masek

Editeur:

Nous sommes à Madrid, dans les années vingt. Adriana a six ans et vit dans une famille
bourgeoise. Sensible et rêveuse, elle observe le monde des adultes, ces « Géants », et lui oppose
avec opiniâtreté une licorne échappée de la trame d’un tapis, blanche, énigmatique et symbole de
l’enfance qui s’enfuit. Afin de lutter contre l’angoisse qui la saisit à voir ses parents se déchirer, elle
renforce ses liens avec sa tante Eduarda, féminine, indépendante et amoureuse de
Michelmonamour. Et voici Adriana maintenant adolescente qui noue une amitié incandescente,
sinon une passion, avec un de ses voisins, Gravila. Son univers volera en éclats lorsque la guerre
civile incendiera l’Espagne. Roman d’une extrême subtilité, Paradis inhabité, évoque l’enfance à jamais enfuie. Une fois de plus, Ana Maria Matute démontre qu’elle demeure un des écrivains majeurs de notre temps.

Avis:

Merveille, enchantement… et tristesse. Tristesse d’avoir fini ce livre avec lequel je me sentais en communion, trace de tristesse que le livre laisse, et tristesse en pensant que mes clients vont encore me dire que je n’aime que les histoires chagrines et que ce livre est sans espoir comme « Sébastien » de Spilmont. Et ce n’est pas vrai. Que Sébastien soit sans espoir ni que je n’aime que ce style de livres…
Arriverais-je à faire partager ce grand plaisir de lecture?
Comme dans « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » nous pénétrons dans un monde à hauteur d’enfant. Ici, c’est une enfance catalane durant les années précédant la guerre d’Espagne dans une famille de la grande bourgeoisie avec chauffeur, domestiques et principes rigides. La petite Adriana dite Adri est née « à contretemps » comme il est dit dès la première page. Elle est née alors que ses parents ne s’aiment plus, dans cette famille  où chacun vit dans sa bulle, les jumeaux entre eux, la grande sœur ignorant totalement cette petite dernière mutique et étrange. Elle ne trouve un peu de chaleur qu’auprès des bonnes, braves femmes qui lui montrent attention et même amitié à la faveur d’une maladie qui la cloue au lit longtemps. C’est alors qu’apparait un jeune garçon d’origine russe, fils de la ballerine, solitaire comme elle. Entre eux se noue un lien très fort et magnifique. Je ne veux rien déflorer de cette histoire, il y a de la magie dans ce texte, une qualité d’évocation incomparable. On rit, on pleure, on est en colère…
J’ai pensé à deux films à la lecture de ce livre, une scène sur la terrasse de la maison, les enfants jouent entre les draps étendus, j’ai revu la scène du film d’Ettore Scola: « Une journée particulière »: Marcello Mastroianni et Sophia Loren se retrouvent sur la terrasse de leur immeuble où sont étendus de grands draps blancs. C’est une scène importante du film. Comme dans « Paradis inhabité » il y a un jeu amoureux entre excitation et paroxysme. Rêve et réalité. Il est également important de souligner que dans ces deux œuvres, l’une dans l’Espagne pré-franquiste, l’autre dans l’Italie mussolinienne, un homosexuel se retrouve mis au ban de la société et en danger de mort.

Et puis, durant tout le début du roman, j’ai pensé à un autre film que j’aime beaucoup: « Cria cuervos » de Carlos Saura. J’imaginais la petite Adriana sous les traits d’Ana Torrent, ses grands yeux noirs tristes qui contemplait sans rien dire toute l’hypocrisie de cette même bourgeoisie espagnole.

« Nous les enfants nous sommes juste de passage »


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