L’horizon ***- Patrick Modiano

Gallimard, Broché, Mars 2010
Editeur:
» Il suivait la Dieffenbachstrasse. Une averse tombait, une averse d’été dont la violence s’atténuait à mesure qu’il marchait en s’abritant sous les arbres. Longtemps, il avait pensé que Margaret était morte. Il n’y a pas de raison, non, il n’y a pas de raison. Même l’année de nos naissances à tous les deux, quand cette ville, vue du ciel, n’était plus qu’un amas de décombres, des lilas fleurissaient parmi les ruines, au fond des jardins. »
Avis:
Je suis une inconditionnelle de Modiano, le lire c’est comme retrouver un ami, c’est aussi comme voir un film de François Truffaut, L’enfance de Modiano et celle de Truffaut, ayant semble-t-il bien des points communs, des parents inexistants, un mère qui ne vous aime pas, et la passion des livres. Retrouver Doinel c’est comme retrouver les personnages de Modiano.
Il s’agit souvent, toujours? d’une quête du passé, se remémorer des souvenirs devenus flous, rechercher une femme (Dans le café de la jeunesse perdue) et dans celui ci, L’horizon.
Dans son livre « Dora Bruder Modiano et le narrateur cherchent les traces d’une jeune juive déportée, un de mes textes préférés de Modiano, beau, émouvant, déambulant.
Les rues de Paris, un goût pour les noms de rue, les places, les noms propres également. Ce goût récurrent c’est la signature Modiano, les bornes familières que l’on cherche à la lecture de ses livres comme on aime retrouver les mimiques dans un visage familier.
Les livres de Modiano sont toujours mélancoliques mais ne rendent pas triste.Au contraire. Ils me procurent toujours un grand plaisir de lecture.
Page 12: « Derrière les événements précis et les visages familiers, il sentait bien tout ce qui était devenu une matière sombre: brèves rencontres, rendez-vous manqués, lettres perdues, prénoms et numéros de téléphone figurant dans un ancien agenda et que vous avez oubliés, et celles et ceux que vous avez croisés sans même le savoir. Comme en astronomie, cette matière sombre était plus vaste que la partie visible de votre vie. »
Le souvenir de la première rencontre avec la femme perdue: (page27) « Il essayait vainement de se rappeler dans quel livre était écrit que chaque première rencontre est une blessure. »
Je voudrais mettre en parallèle cette phrase, page 46, « On entrait par une porte très basse.Un escalier à double mouvement qui montait ne croisait jamais celui qui descendait » avec celle, page 127: « Il avait lu, la veille, un roman de science-fiction, Les Corridors du temps. Des gens étaient amis dans leur jeunesse, mais certains ne vieillissent pas, et quand ils croisent les autres, après quarante ans, ils ne les reconnaissent plus. Et d’ailleurs il ne peut y avoir aucun contact entre eux: Ils sont souvent côte à côte, mais chacun dans un corridor du temps différent. S’ils voulaient se parler, ils ne s’entendraient pas, comme deux personnes qui sont séparés par une vitre d’aquarium »
Dans les romans de Modiano, on retrouve toujours cette escalier à double mouvement, je veux dire, il y a toujours des rapprochements mais sans véritable proximité, même les histoires d’amour sont irréelles. « D’ailleurs, était-ce vraiment elle? Mieux valait ne pas en savoir plus. Au moins , avec le doute, il demeure encore une forme d’espoir, une ligne de fuite vers l’horizon » (page142) Les livres de Modiano sont des lignes de fuite vers l’horizon , les personnages ont les yeux tournés vers le passé mais avancent vers un désir de coïncidence, entre les êtres, entre les lieux et les temps.
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