Les Bêtes d’Ombre**** – Texte: Anne Sibran, Illustrations: Stéphane Blanquet

Publié par Baba Yaga le


Gallimard Jeunesse Giboulées, Album, Mars 2010

Avis:

« C’était tout un village, ils allaient dans la nuit. L’un derrière l’autre, sans faire de bruit. Les pères restaient derrière, cachés sous leurs manteaux. Puis les mères venaient ensuite, les cheveux emmêlés. Seuls les enfants marchaient devant. »

Résumé :

Le village tout entier marche. Guidé par Grande Sœur et Petit Frère. La longue file suit les fils laissés par une fourmi dorée.
Quand la nuit tombe, les enfants cachent les parents sous la terre… Quand la nuit tombe, les parents deviennent les Bêtes d’Ombre et oublient leurs noms. Les enfants seuls, s’en souviennent.
Mais que faire si les enfants eux-mêmes oublient le nom de leurs parents ?

Il se lit comme un conte… des mots beaux: « Chaque soir, à la brunante, les enfants couraient au fossé pour retrouver leurs parents endormis sous les feuilles. Et leur donner le nom. Car un mal mystérieux rongeait ces pères et ces mères. Un mal qui mélangeait leurs visages et leur prenait la voix. Tout le jour, toute la nuit, ils étaient comme des bêtes d’ombre. Même leurs propres enfants ne devaient pas les voir: ni d’un œil, ni de l’autre, jamais les regarder. Un instant seulement le soir, à la brunante, ils redevenaient les pères et les mères qu’ils avaient été avant. Le temps que leur nom soit seulement prononcé.
Qui sinon leur enfant pouvait encore le connaitre?

C’est un bel objet, la couverture est toilée, le illustrations pleine page, très sombres, mais avec toujours une clarté, une fourmi au fil d’or, des lanternes accueillant des poupées fabriquées par les enfant….
Le livre est dédicacé à Jean Hatzfeld, une phrase d’un de ses livres « Une Saison de Machettes » sur le Génocide Rwandais mise en exergue éclaire le propos: « Il y en a qui changeaient de couleur à force de chasser. Leurs membres étaient boueux, leurs vêtement étaient éclaboussés, même leur visage n’était plus noirâtre de la même façon. Ils devenaient comme gris de tout ce qu’ils avaient fait ».
Ce conte a comme toile de fond ce terrible génocide, c’est sa matière. Il se lit comme un conte avec des éléments de magie, des mots beaux: Comme le livre d’Hatzfeld qui a rendu la parole aux victimes du génocide: « Dans le nu de la vie » avec un parler magnifique, poétique. Il y a une façon de raconter par métaphore qui rend ce conte audible par des oreilles assez jeunes, je penserais à des enfants à partir de 7ans.
J’aime beaucoup ce texte, il est envoutant, on ne sait pas très bien où il veut nous mener, on le suit, les illustrations l’accompagnent magnifiquement, sombrement!
« Soudain la porte s’ouvrit dans l’écorce du grand arbre. Une lumière jaillit de l’intérieur du tronc. Une lumière qui montrait tout. Les enfants virent leurs pères, leurs mères, en bêtes d’ombres. Et de les voir ainsi, leur terreur fut si forte qu’ils perdirent aussitôt leur mémoire et les noms. » Oui c’est vraiment un très beau conte, à lire et à relire.


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