Le Maître ****- Colm Toibin

Publié par Baba Yaga le


Robert Laffont coll. Pavillons, Broché, Août 2005

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Le roman s’attache à cinq années de l’existence du romancier Henry James, de 1895 à 1899. Il commence par l’un des événements les plus douloureux de l’existence de James : l’échec retentissant de sa pièce de théâtre, Guy Domville, à Londres en janvier 1895. Lors de la première, les applaudissements des amis de James sont noyés sous les sifflements du public. Dans un théâtre voisin, en revanche, la nouvelle pièce d’Oscar Wilde fait un triomphe. Après ce fiasco, James décide de retourner au roman, mais d’abord il accepte les invitations de quelques-uns de ses amis de la noblesse installés en Irlande, espérant ainsi échapper aux échos de son échec londonien – cette visite permet à Colm Tóibín de s’attarder avec ironie sur les abus de l’occupation anglaise, sujet qui lui tient davantage à cœur qu’à James, peu préoccupé par ses lointaines origines irlandaises.

Les quatre années suivantes traitent chacune d’un événement qui ravive la mémoire de James et le contraint à se rappeler quelque incident de son passé : l’épouvantable procès intenté à Oscar Wilde et qui rappelle à James ses propres incertitudes sexuelles ; la mort de sa sœur Alice, esprit caustique ; l’achat d’une maison dans la campagne anglaise où James se voit contraint de renvoyer un couple de serviteurs ; le suicide de son amie de cœur ; un voyage en Italie où il tombe amoureux du sculpteur Henrik Andersen. Enfin, pour conclure, la visite de son frère aîné, le philosophe Williams James, avec lequel James se réconcilie après un long éloignement. Durant ces cinq années, James écrit, entre autres, Ce que savait Maisie, Le Tour d’écrou et Les Ambassadeurs. Tóibín, en un constant mouvement d’oscillation, embrasse à la fois l’intimité de son héros et les instants décisifs qui l’ont amené à créer les situations et les personnages de ses romans – tous inspirés de sa vie privée.

Cependant, plus qu’une brillante biographie, Le Maître est l’interrogation passionnée et effrayée d’un artiste face au talent d’un pair. Pour Colm Tóibín, l’apparente froideur de Henry James, le vide émotionnel de son existence tout entière vouée à l’art, pose une question vertigineuse. Pour être un tel génie littéraire, Henry James devait-il nier sa sexualité, refuser tout engagement amoureux, censurer ses émotions, en bref, passer à côté de la vie ? Peut-on penser, comme Henry James, qu’il y a dans l’art quelque chose que jamais une émotion réelle ne saurait atteindre ? Tel est le sujet réel du roman, par-delà l’exploration de l’intimité de Henry James : la place de l’art dans la vie d’un artiste.

Existe en poche chez 10/18

Avis:

Ce roman biographique très littéraire est une passionnante enquête entomologique consacrée à Henry James. Il retrace les cinq années de la vie de l’écrivain qui ont suivi l’échec de la représentation de sa pièce « Guy Domville », au moment où triomphait « Un mari idéal » d’Oscar Wilde. C’est un hymne crépusculaire à la création et à la vie qui explore à la perfection l’univers jamesien dans toute sa complexité.


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