La vie lente des hommes ***- Sylvie Aymard

Maurice Nadeau, Juin 2010
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1939, c’est la mobilisation générale. Bussy, 13 ans, est emmenée de Paris par son père, violoniste ombrageux, pour être soustraite à la guerre. Après l’Exode, dans le village de province et le chaos des événements, sans guide maternel, elle rencontre un jeune résistant, Daniel, qui change son destin. De son côté, Tristan, qui a lui aussi subi l’exode, aperçoit Bussy dans la foule à la Libération, et s’amourache d’elle. Elle lui échappe mais le hasard les réunira, ils se marieront. Le temps passe, la vie de Bussy semble enfermée dans un secret, mais coule comme une eau sans force. Ils ont une fille, Esther, qui, avec un vieillard, tient un chenil. Esther nous raconte l’errance de sa mère. Tous semblent mener la même vie lente qui leur fait traverser l’existence courbés et l’oeil baissé. Bussy, qui a fait l’apprentissage de la liberté, les abandonne et part. L’auteur de Courir dans les bois sans désemparer (2006) et Du silence sur les mains (2008), se tient de nouveau au plus près d’êtres qui refusent le destin que leur a fait la vie et qui, comme Bussy, parviennent à se rendre libres. Elle fait preuve à nouveau de cette même écriture qu’un critique a qualifiée d’ensorcelante qui a fait le succès de ses précédents romans.
Avis:
Roman envoyé par Véronique Morvant représentante Harmonia Mundi qui connait mes goûts et chose rare chez les représentants,lit!
L’écriture très travaillée m’a fait penser à Soazig Aaron et à sa « Sentinelle tranquille sous la lune ». Cependant ils sont assez différents ces deux romans. Ici ce n’est pas une fresque historique, mais plutôt un roman des solitudes et des destins abimés (mais dans la sentinelle aussi). Chez Sylvie Aymard, il y a plus de recherche stylistique, de métaphores, chez Soazig Aaron plus de construction romanesque. C’est un écheveau, une spirale. Chez Sylvie Aymard, les histoires sont juxtaposées. On dirait qu’il y a du couper/coller: le passé, le présent, la figure d’Esther la fille, celle de Bussy, la trop belle mère, Daniel l’amant tant aimé, Tristan, l’amoureux fou de l’amour. La solitude douloureuse des femmes.
Page 45: « Esther pose sur l’évier un œuf glissant pondu vide. Elle le caresse du pouce et soupire. La chair tendre lui rappelle le ventre remonté qui marche devant les femmes enceintes, tel un coussin de reliques porté par un curé. » Exemple de métaphore dont l’auteur est friande. Tout cela est beau, manque de chaleur comme les personnages perdus dans leurs histoires!
Auteur à suivre…
Fabienne, une des trois sorcières libraires avait lu et aimé son roman précédent: « Courir sans désemparer »
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